CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1Dans ce qui suit j’explique ce que j’entends par signe vivant et j’essaie de clarifier ce que cela signifie selon moi de travailler des concepts avec et dans le monde. Le problème qui se pose est le suivant : comment penser, en particulier comment penser avec Peirce, et à quelles fins. Jean-Marie Chevalier et moi avons des opinions très différentes sur ces questions, et je saisis l’occasion de cet échange pour insister sur ce qui est en jeu dans ces différences.

2L’anthropologie est une science empirique. Elle construit ses raisonnements à partir de notre expérience du monde, tel qu’il se manifeste à nous ethnographiquement. À ce titre, l’anthropologie est en termes peirciens une discipline qui privilégie la « secondéité » (l’actualité, la relation, l’altérité), même lorsque ces seconds sont moins actuels qu’une ascription à cette catégorie métaphysique pourrait sembler devoir impliquer. Les signes, les esprits (minds), les expériences phénoménologiques, les généraux, les absences, les esprits (spirits), les fantômes, les sortes, les formes, les patterns, les futurs, les passés et les sois – oui, les sois –, tous peuvent s’inviter dans le monde actuel du travail conceptuel ethnographique, même dans leur relative « priméité » ou « tercéité » (c’est-à-dire, dans leurs natures respectives comme étant spontanés ou généraux) [2][2]J’emploie ici le terme « relatif » en référence au caractère….

3On pourrait décrire la métaphysique de Peirce comme une exploration de premiers. De ce point de vue, Peirce semble poser la question suivante : si un monde possible se trouvait exister, quel genre de propriétés aurait-il nécessairement ? Si, par exemple, la pensée se trouvait exister dans un autre univers, très différent du nôtre, elle n’en témoignerait pas moins – dirait Peirce selon moi – d’une logique qu’il appelle « sémiotique ». Autrement dit, elle impliquerait une dynamique par laquelle « quelque chose »« tient lieu pour quelqu’un » – oui le terme est de Peirce – « de quelque chose sous quelque rapport ou à quelque titre » (CP 2.228 ; traduction de G. Deledalle[1978 : 121]), ce « quelqu’un » n’étant rien d’autre que le lieu et le résultat, tout éphémère qu’il soit, de cette même dynamique [3][3]Je suis évidemment tout à fait conscient que le « quelqu’un »….

4La véracité de cette métaphysique, sa capacité à se conformer de façon régulière aux mondes actuels tels qu’ils viennent à exister, ne peut être établie que par la façon dont Peirce, en tant que signe vivant, est interprété par la communauté de penseurs à venir, lorsque celle-ci entre en interaction avec des mondes qui témoignent de propriétés que la métaphysique peircienne préfigure. Autrement dit, la représentation par Peirce d’un monde dont la représentation est une des caractéristiques finira toujours, de par sa propre théorie pragmatique de la sémiotique, par être représentée sous des formes plus développées par ceux d’entre nous qui pensent avec lui, avec et à propos du monde.

5La relation entre la métaphysique peircienne et le genre d’anthropologie au-delà de l’humain que je défends est la même que celle qui existe entre les mathématiques pures d’une part, et la physique ou l’ingénierie d’autre part. Les mathématiques pures sont libres d’explorer les propriétés qui opèrent dans un monde possible sans avoir besoin que ce monde existe (encore). Une preuve de la vérité de ces explorations mathématiques devient apparente, cependant, lorsque des existants futurs, découverts ou fabriqués, se trouvent correspondre aux résultats de ces dernières. En ce sens, Peirce et moi venons au signe, pour ainsi dire, depuis des directions opposées. Lui, depuis une description formelle et générale (ce qui est encore différent de ce que Chevalier appelle « rationnel » et « universel ») de l’architecture logique qui rend possible la sémiose et lui donne ses propriétés particulières, et moi, d’un monde actualisé, tel qu’il se trouve être instantié dans une certaine partie de cette planète – une partie particulièrement dense et intéressante de celle-ci – exprimant la sémiose d’une façon qui, Peirce ayant globalement raison sur les choses, correspond à ses descriptions formelles.

Un Peirce vivant et pragmatique

6Soyons clairs, le but de Chevalier dans son article est de démontrer que je ne suis pas un très bon Peircien. Il veut montrer que j’ai totalement échoué à saisir ce que Peirce voulait « vraiment dire » à propos de certains des principaux problèmes dont je traite : la sémiose, la vie, le dualisme cartésien. Bien que je n’aie pas de goût particulier pour l’argutie académique (je pense qu’il y a des façons plus intéressantes, productives et inclusives de penser avec – ou même contre les autres –, je m’efforcerai ici, autant que je peux, de répondre dans les termes de Chevalier. Je me demande à cet égard quelle serait son opinion des Runa et des forêts dans lesquelles ils vivent. Sont-ilsde bons « Peirciens » ? Si la question semble ridicule à un philosophe, alorspeut-être que cela dit quelque chose des limites de la philosophie académique de clocher qui semble être ici de mise.

7Ce qui distingue une approche comme celle de Chevalier de la mienne, c’est une différence entre un intérêt pour Peirce seulement en termes de cohérence textuelle interne et une aspiration plus large (la mienne), à mon sens plus fidèle à l’esprit vivant du pragmatisme de Peirce, qui vise à comprendre quelque chose du monde à travers Peirce, et quelque chose de Peirce à travers le monde. Dans des termes peirciens, on pourrait dire que l’intérêt académique de Chevalier pour la philosophie de Peirce est exclusivement centré sur sa « priméité ». C’est-à-dire, pour reprendre l’une des définitions par Peirce d’un « premier », centré sur la philosophie dans « sa propre talité », sans considération de sa relation à quoi que ce soit d’autre (CP 1.304). Par contraste, et sans nier l’importance de réussir dans ce genre d’entreprise (les philosophes n’y parviennent pas toujours), je m’intéresse surtout à la philosophie de Peirce telle qu’elle peut être entendue dans sa secondéité, c’est-à-dire dans la façon dont sa métaphysique entre en relation avec autre chose qu’elle-même, avec des mondes actualisés, et nous aide à en apprendre quelque chose. Bien sûr, si la métaphysique de Peirce se trouve effectivement correspondre à ces mondes, et prédire quelque chose de ceux-ci avec une certaine régularité, alors cela dit quelque chose de la possibilité de généraliser cette philosophie – de sa tercéité, relativement parlant. Cela dit, de fait, quelque chose d’ontologique – c’est-à-dire quelque chose non seulement sur la nature générale du monde, mais aussi sur la capacité du système métaphysique peircien à s’adresser à cette réalité avec une certaine véracité (Peirce 1998a : 197). Mon espoir est que l’approche que je défends puisse mettre Peirce au travail à tous ces niveaux. Mais l’objet ontologique qui m’intéresse est plus grand que Peirce en tant qu’individu et en tant que philosophe. Mon but est de penser avec Peirce à propos de quelque choseau-delà de Peirce.

8Il est sans doute utile de rappeler qu’il m’a été donné d’explorer un monde témoignant de propriétés peirciennes bien avant que je ne rencontre Peirce. Je travaille en Amazonie depuis la fin des années 1980, et ce n’est qu’à partir de 2002 que j’ai commencé à m’intéresser sérieusement aux écrits de Peirce lorsque, à l’occasion d’un séjour postdoctoral à Berkeley, j’ai eu la bonne fortune d’être pris sous l’aile de Terrence Deacon (quelqu’un qui est certainement, et sous tous rapports, un « bon » Peircien). Je me souviens avoir été époustouflé de réaliser à quel point la forêt tropicale, ses êtres – animaux, esprits, plantes… oui, plantes –, et la façon dont les Runa entraient en interaction avec eux, témoignaient de propriétés que la métaphysique et la sémiotique de Peirce décrivent. Grâce à l’aide de Peirce, en outre, il devenait possible de faire un travail conceptuel avec ces propriétés. Je pense à l’exemple (que je discute dans le chapitre 5 de mon livre [Kohn 2017 : 231-236]) des deux femmes qui réfléchissent à la signification du cri d’un oiseau, explorant chacune des chemins différents d’interprétance sémiotique (l’un relativement plus symbolique, l’autre plus iconique). Les propriétés sémiotiques que chaque chemin interprétatif acquérait affectaient respectivement le genre d’inférences que chaque femme faisait. Les Runa d’Ávila, dans les années 1990, n’avaientcertainement jamais entendu parler de Peirce, mais ils exploraient et rendaient manifestes des propriétés peirciennes dans leurs explorations quotidiennes de la forêt. Le monde donnait raison à Peirce et Peirce m’apprenait quelque chose du monde. Que ceci puisse sembler négligeable à un philosophe – Chevalier n’en fait pas mention est une chose qui me dépasse. Mais cela me fait me demander dans quelle mesure la « philosophie », du moins celle que pratique Chevalier, n’est pas un réceptacle trop limité pour accueillir Peirce et la vie des signes vivants qu’il décrit.

9Je me demande, à cet égard, ce qu’un « philosophe » darwinien (car Darwin avait lui aussi à cœur de travailler conceptuellement le monde, ce dont Peirce était d’ailleurs tout à fait conscient) aurait dit d’un biologiste de l’évolution contemporain. Lui aurait-il déclaré : « les propriétés évolutives que vous voyez exprimées dans le monde – des propriétés que Darwin vous a aidé à voir –, eh bien elles ne correspondent pas à ce que Darwin a écrit dans la première édition (et non, disons, dans la sixième, révisée) de L’Origine des espèces » ? Et que penserait un Darwin revenant de cet échange vétilleux ?

Abduction, qualité d’esprit (mindedness), modes

10Pour expliquer ma relation à Peirce, je dois commencer par clarifier ce que sont selon moi les fins de l’anthropologie. L’anthropologie consiste à créer de nouveaux concepts avec les concepts que nous découvrons être à l’œuvre sur le terrain durant nos interactions ethnographiques. Ainsi, par exemple, le concept de « double description » de Gregory Bateson est une amplification de la « double description » comme mode de pensée génératif déjà opérant dans le monde biologique (voir Kohn 2017 : 139-142). Le genre de travail conceptuel auquel j’aspire consiste à parvenir à des « abductions », le terme que Peirce utilise pour caractériser un troisième type d’inférence, qu’il considérait comme un complément nécessaire à l’induction et à la déduction (CP 2.590). Une abduction, selon Peirce, est « l’opération d’adopter » (1998b : 231) une hypothèse en vertu d’une « intuition » qui « nous vient comme un flash » (1998b : 227). L’abduction, pour Peirce, est le « seul processus par lequel un nouvel élément peut être introduit dans la pensée » (1998c : 224) : à ce titre, il l’associe à la priméité (Houser et al. 1998 : 528). Elle débouche sur une idée susceptible d’en unifier d’autres, qui jusque là semblaient disparates ; c’est la raison pour laquelle il considère qu’elle est liée à l’icône (ibid.). Une abduction peut se trouver confirmée par induction (CP 2.536) puis, une fois établie, elle peut être mise au service d’un travail déductif. En s’ouvrant aux abductions, par conséquent, l’anthropologie ne doit pas se borner à établir dans quelle mesure le recueil de faits ethnographiques vient confirmer une théorie – celle de Peirce ou d’un autre – ou dans quelle mesure une théorie peut s’appliquer à un cas précis. Son but, en tant que discipline attachée à développer des méthodes de rencontre qui nous déstabilisent et nous forcent ainsi à reconsidérer le monde, c’est de saisir de nouveaux concepts susceptibles d’en unifier d’autres, qui jusque là semblaient disparates, dans le flash de leur émergence (Peirce 1998b : 531-532). Les forêts produisent des concepts, les Runa et d’autres Amazoniens produisent des concepts à partir de ceux-ci, et j’essaie de faire de même avec ceux-ci et d’autres. Être éveillé à la penséevivante, c’est être pour ainsi dire « abductivement ouvert ». Cela exige un ethos constant d’effacement, grâce auquel on se rend disponible à ces pensées, car nous sommes tenus à notre insu par les concepts qui nous façonnent. L’anthropologie est une technologie permettant de desserrer l’étreinte de ces concepts fondateurs, afin de trouver une position depuis laquelle les abductions peuvent opérer sur nous. Les abductions ne viennent pas de nous. Nous ne pouvons jamais décréter une abduction car c’est un moment spontané d’émergence holiste, que nous ne pouvons jamais « avoir ». Nous ne pouvons qu’être « eus » par elles (si nous les laissons faire), lorsqu’elles transforment nos modes de pensée.

11S’éveiller à la pensée vivante rend également l’anthropologie psychédélique – littéralement « révélatrice d’esprit » (mind-manifesting, une notion que j’ai rétroactivement introduit dans la traduction française de mon livre). Car ce genre d’attention au monde peut nous révéler l’esprit (ou le soi) dans la quintessence de sa séité. Autrement dit, elle peut révéler l’esprit dans sa « qualité d’esprit » (mindedness) – ou, dans les termes de Peirce, dans sa capacité continue à croître et se renouveler au fur et à mesure qu’elle abandonne des habitudes et en adopte de nouvelles. Saisir cela dans le monde et dans nos sois a le potentiel de déstabiliser notre propre sens psychologique de soi, de même que celui qui s’est formé à partir de l’ensemble figé de concepts qui nous enserre. Ce qui est crucial dans la tentative anthropologique de parvenir à une autre métaphysique émergente, abductivement formée, c’est le refus de la fermeture – le refus de laisser les cadres analytiques que nous apportons sur le terrain tout expliquer. Le but d’un tel refus est de ménager un espace où les nouveaux concepts peuvent émerger.

12Cette métaphysique émergente deviendra à terme une métaphysique moniste. Dans mon approximation de cette sorte-là de tout, je m’efforce de rester ouvert aux multiples formes de pensée. Je prends au sérieux l’insistance de Chevalier sur le fait que Peirce doit être compris dans ses propres termes. [4][4]Ma référence au « Peirce bizarre », à cet égard, est adressée à…Comme je l’expliquerai ensuite, il y a des moments où lui et moi sommes d’accord sur ce que ces termes sont, et d’autres où nous ne le sommes pas. Mais j’ai aussi d’autres responsabilités. L’une de celles-ci est vis-à-vis de mes amis et collègues amazoniens, qui ont leur propre façon de penser sur la vie, les signes (surtout sur les signes imagés), les esprits (spirits), les sois et les âmes. Une autre de ces responsabilités est vis-à-vis des forêts elles-mêmes, qui pensent aussi, et dont la pensée m’est apparue dans les termes les plus personnels autant que dans des termes formels – car parmi les marqueurs de l’animéité (animacy) de la forêt, il y a les « esprits » (spirits) qui s’y manifestent, et j’ai pu faire moi-même l’expérience de leur existence.

13Pour réfléchir aux sortes de mondes métaphysiques que produisent ces formes de pensée disparates et pourtant liées, j’ai trouvé très utile de penser avec le projet de L’Enquête sur les modes d’existence de Bruno Latour (2012). Cette enquête propose un ensemble d’outils censés nous permettre de circulerà travers des modes. Je dois préciser d’emblée que je ne souscris ni à cet édifice théorique, ni à l’idée que différents modes d’existence constituent des mondes discrets et – à moins d’employer les outils unifiants que L’Enquêtede Latour met à notre disposition – potentiellement incommensurables. Il me semble utile cependant de penser au travail anthropologique comme à celui d’un « diplomate cosmique », ainsi qu’il le caractérise. Autrement dit, ce à quoi je voue mes efforts, c’est à trouver les concepts émergents qui me permettront de servir d’intermédiaire entre les domaines suivants : l’animisme amazonien et les formes chamaniques de pensée conceptuelle ; le genre de pensée que les forêts expriment lorsque celle-ci se manifeste à moi ; la biologie, la climatologie et d’autres sciences de la Terre ; l’anthropologie, même dans ses registres « trop humains » ; et, bien sûr, la pensée peircienne.

L’écologie, la biosémiose, les sois

14Je suis allié avec Latour et mes collègues amazoniens et biologistes à un titre encore différent, et encore plus important, qui intéresse la question des fins de l’anthropologie de façon plus pressante. Nous faisons face aujourd’hui à la menace sans précédent d’une destruction écologique totale, initiée par l’Homme, à l’échelle planétaire. C’est la vie continue des forêts pensantes et les pensées qui émergent d’elles comme d’autres milieux comparables qui est en jeu ici. L’idée que je défends, c’est qu’apprendre à penser avec les forêts peut produire sa forme propre de « science normative ». Apprendre à penser avec les forêts, autrement dit, peut offrir une sorte de guide éthique formellement ou « esthétiquement » fondé (Peirce 1998a : 201), à l’usage de cette époque à laquelle le terme « anthropocène » est de plus en plus associé. Penser avec les forêts : c’est un problème anthropologique car c’est un problème humain. C’est nous, les humains, qui devons cultiver continûment l’art d’écouter les forêts. Voilà ce que pourrait signifier « écologiser » la pensée. C’est nous, les humains (un certain nombre d’entre nous en tout cas), qui avons cessé d’écouter. Grâce à la sémiotique peircienne, nous devenons capables de localiser la cause de cette menace dans la vie continue de la pensée, dans une propension humaine à devenir duel, c’est-à-dire une propension à vivre d’une telle manière que la culture (le symbolique) tend à devenir temporairement indépendante de la nature et sourde à celle-ci, au point de devenir ce que Latour appelle une force de la nature. Je me retrouve dans Peirce car de toutes les philosophies que je connaisse, la sienne est celle qui permet le mieux de situer ontologiquement le dualisme (et de le provincialiser, pour reprendre le mot de Dipesh Chakrabarty), tout en restant fidèle aux propriétés formelles du monde que révèlent la physique, la biologie et les sciences humaines – les sciences humaines critiques en tout cas.

15En ce sens, lorsque j’affirme dans Comment pensent les forêts que la vie pense et les pierres non, il ne faut pas le comprendre comme un manque d’ouverture vis-à-vis de certains non-humains, mais comme une façon de refuser une certaine forme de fermeture conceptuelle. J’aurais pu adopter une position amazonienne animiste, selon laquelle les pierres, du moins certaines d’entre elles, pensent effectivement ; ou encore celle que posent, avec leur ontologie plate, les Études de Sciences et Technologies (STS), à savoir quetoute sorte de chose est la même sorte de chose et a donc potentiellement la même agentivité ; ou encore le genre de panpsychisme que Chevalier lit dans Peirce – et le problème aurait alors été promptement résolu. Je dois préciser ici que mon travail récent en Amazonie, travail qui est devenu de plus en plus psychédélique, au sens littéral, et politique, au sens pragmatique – sans être pour autant moins métaphysique –, m’a convaincu que les pierres, d’une manière ou d’une autre, pensent effectivement. Mon ambition, cependant, est de trouver la position émergente à partir de laquelle toutes ces idées sur la pensée pourront converger. Pour ce faire, je dois rester fidèle à l’intuition biosémiotique, à savoir que, formellement parlant, toute dynamique pensante (dans quelque instantiation et dans quelque univers qu’elle se trouve) est aussi une dynamique vivante [5][5]Je voudrais d’ailleurs faire remarquer en passant que la….

16Pour ce qui est de mon usage stratégique du terme « soi », par opposition à « sujet » – un autre choix que Chevalier critique – il est à comprendre en relation avec la diplomatie cosmique dont je me fais l’avocat. Je tiens à ce terme pour un certain nombre de raisons qui sont toutes centrales dans mon projet « d’écologiser » la pensée. En premier lieu, le concept de « sujet » en anthropologie a de fortes connotations foucaldiennes. On nous apprend à penser les sujets comme étant entièrement façonnés par des circonstances historiques contingentes. Par contraste, je veux montrer que les « touts » socioculturels qui créent la subjectivation et les sujets sont en fait ouverts à des formes sémiotiques qui n’ont pas la fermeture pour trait constitutif. C’est-à-dire qu’ils sont ouverts aux « écologies d’esprit » (ecologies of mind) plus larges qui nous contiennent.

17En second lieu, j’utilise le terme « soi » plutôt que « sujet » car j’ai le sentiment que « soi » s’accorde mieux avec certains attributs de la personne que les Amazoniens mettent en avant. Ainsi que je l’ai décrit (Kohn 2017 : 261-269), la personne dans les termes amazoniens est essentiellement pronominale. Les Amazoniens envisagent les noms, en bonne politique peircienne (1998d : 15), comme des substituts imparfaits de pronoms. En quichua, Runa – littéralement « personne » – fonctionne comme le pronom de première personne « je » (comme d’ailleurs puma – « prédateur » ou « jaguar »). Les autres, ceux qui occupent une position de troisième personne, sont les objets tangibles, palpables et visibles. J’ai choisi d’utiliser le terme « soi » pour marquer la position de première personne car, en tant que substantif, il a une plus grande affinité avec le pronom de première personne que le mot « sujet ». Après tout, on fait référence à sa propre personne comme à « soi-même » (myself), et non « mon sujet » (my subject). « Soi », en ce sens, par opposition à « sujet », est plus proche de l’expérience de première personne d’être un signe vivant dans sa priméité. Le sujet, par contraste, est plus ce à quoi un soi ressemble de l’extérieur, dans sa secondéité palpable, en tant que troisième personne.

18Enfin, l’emploi de ce terme signale que j’ai un intérêt stratégique pour les conceptions psychanalytiques du sujet, dont les mécanismes inconscients sont si profondément iconiques et indiciels. Mais, de manière cruciale, je le fais afin de rompre avec l’approche psychanalytique classique. Tout d’abord parce que j’insiste sur le fait que les sois ne sont pas seulement humains (et en tout état de cause ne sont jamais seulement confinés dans leur corps [skin-bound]) ; ensuite parce que le genre de logique que Freud a identifié comme étant central dans l’inconscient n’est pas exclusif à l’esprit humain. Il peut nous permettre de jeter des ponts et d’accéder aux écologies d’esprit plus larges qui suivent une logique similaire.

19Je trouve ironique que les gagnants et les perdants de ce jeu académique à somme nulle que l’on me demande de jouer ici soient des sujets humains enfermés dans leur peau (skin-bound), alors même que le jeu lui-même fait ostensiblement référence à des débats sur la dissolution de ce genre de sujet. Ce jeu que nous jouons masque le fait que Chevalier et moi sommes en fait d’accord sur l’analyse en termes peircien de ce que, pour mon propre compte, j’appelle un « soi » – à savoir une entité qui n’est rien d’autre qu’un lieu d’interprétance, où et à quelque échelle qu’il se trouve.

Les vies des signes

20Cette différence entre, d’une part, une approche « statufiée » (hidebound) de Peirce et, de l’autre, l’approche pragmatique vivante à laquelle j’aspire, sous-tend la divergence de vue entre Chevalier et moi sur la sémiotique. La critique que fait Chevalier de ma sémiotique est un peu décousue (par exemple, il m’accuse – à tort – d’adopter une approche saussurienne du signe, avant de proposer lui-même une approche saussurienne « matérielle-sémiotique » comme remède). Donc plutôt que de rendre coup pour coup à chacune de ses critiques, il me semble plus intéressant et productif de tenter d’expliquer plus clairement ce que j’entends par « pensée sylvestre », certaines des propriétés importantes qui la caractérisent et pourquoi, avec l’aide de Peirce, je crois qu’il est si important de cultiver des manières de penser avec elle aujourd’hui. Il n’est pas question de se livrer ici à un exercice d’étiquetage. Je me préoccupe moins des noms que nous utilisons pour différents types de processus de signe que des propriétés sémiotiques que nous pourrions faire fructifier si nous écologisions la pensée.

21Par « pensée sylvestre », j’entends la pensée exprimée dans (et peut-être parfois par) les forêts et d’autres systèmes de vie non-humains. C’est une forme de pensée qui est entièrement sémiotique, mais non symbolique. Ce qui m’intéresse, en tant qu’anthropologue, c’est de comprendre comment nous les humains, en plus d’être des créatures symboliques, possédons aussi une disposition pour ce genre de pensée, et pouvons l’utiliser pour accéder à une pensée sylvestre plus large qui nous produit en même temps qu’elle nous contient. Écologiser les pensées, pour moi, implique donc de trouver comment penser au-delà de la pensée symbolique afin de ménager des espaces pour que la pensée sylvestre puisse fleurir dans les forêts et au-delà de celles-ci.

22La part de la pensée sylvestre sur laquelle j’insiste ici est la part iconique, du fait de l’importance qu’a la logique iconique pour penser avec les forêts.Je vais essayer d’expliquer pourquoi. Pour ce faire, je reviens à l’exemple du phasme, cet insecte amazonien en bâton qui en est venu à ressembler à des brindilles (Kohn 2017 : 84, je reprends cet exemple à Deacon, en l’adaptant). L’évolution de ce mimétisme ne doit pas être mise de côté, comme le fait Chevalier, sous prétexte qu’elle est trop peu commune. Car ce qui compte ici c’est que ce processus biologique bien connu, tout « mineur » qu’il est, met opportunément en évidence une logique plus générale. Autrement dit, l’attention prêtée à l’évolution d’une invisibilité mimétique rend « visible » certaines qualités autrement invisibles, absentielles, de la sémiotique vivante elle-même. Le phasme opère donc comme une icône qui nous permet de mieux « voir » la centralité de l’absence pour la nature de l’icône dans la pensée vivante. Les phasmes ont survécu car les proto-phasmes, n’étant pas remarqués ou « sélectionnés » par leurs prédateurs, se sont trouvés, au cours du temps évolutionnaire, être de plus en plus confondus avec des brindilles. Cela illustre le fait que la confusion est l’une des propriétés centrales de l’iconicité. Les prédateurs n’ont pas opéré les associations indicielles qui leur auraient permis de remarquer leur proie potentielle. Ils n’ont pas non plus opéré les autres associations indicielles nécessaires pour remarquer le « déguisement » du phasme. Autrement dit, il y a une différence entre ne pas remarquer (une forme productive de pensée iconique, même si, en elle-même et d’elle-même, elle n’est pas exactement référentielle), remarquer (la pensée proprement référentielle, qui nécessite des indices), et remarquer que l’on ne remarque pas (car attirer l’attention sur une icône en tant qu’objet de pensée nécessite un indice).

23La confusion du prédateur est productive. Elle crée une autre sorte d’être et le résultat est aussi qu’il y a davantage de « brindillité » (un général) dans le monde. On peut penser à la relation entre une dynamique sémiotique, celle qui produit le phasme invisible, et l’autre, le prédateur qui l’« interprète » en ne la remarquant pas, comme étant partie prenante d’une écologie d’esprit plus grande (un quasi-soi plus grand et qui n’est pas confiné dans un seul corps, si l’on veut). Ce faisant, on peut remarquer la façon dont elle s’accorde avec les différents « micro-biomes » de soi qui forment nos propres esprits (humains) – esprits qui sont eux-mêmes constitués de différentes structures interprétantes qui interprètent continuellement le monde et s’interprètent les unes les autres.

24Notre pensée consiste en une véritable écologie d’esprit. Elle est « comme » l’écologie d’esprit plus grande au-delà de nous et qui lui donne naissance. C’est une ressemblance aux deux sens où Peirce l’entend. En tant que premier relatif, nos écologies d’esprit « internes » témoignent de ces propriétés en question, indépendamment du fait qu’elles existent en fait dans le monde ;reconnaître l’iconisme entre ces deux types d’esprits (ce qui nécessiterait un indice) peut aussi nous permettre de voir les propriétés que nous partageons avec l’écologie d’esprit plus grande. C’est cette connexion que nous avons tant besoin de reconnaître afin de faire fructifier la pensée sylvestre pour notre époque, afin de nous reconnecter au monde que nous, en tant qu’êtres symboliques, sommes en train de détruire. Mais cette « chose » que l’on fait fructifier est essentiellement absentielle. C’est en ce sens que le phasme estcomme le soi amazonien (voir Kohn 2017 : 263). C’est un lieu d’absence. Réfléchir au rôle que ce genre d’absence joue dans la vie de la pensée m’a conduit à reconsidérer de fond en comble d’autres types de phénomènes absentiels plus larges, en particulier ceux que, à défaut d’un meilleur mot, j’appelle « esprits » (spirits), de même que leur importance pour l’élaboration d’une éthique écologique à l’usage de notre temps.

L’Univers ≠ Le Symbole

25Il reste une dernière critique à laquelle je devrais répondre. Chevalier a structuré son essai autour d’une équation. Il prétend en effet que j’affirme dans mon livre : soi = vie = animaux = sémiotique (principalement iconique et indicielle) ; le but de son essai, nous dit-il, est de démanteler cette équation. Comme je l’ai expliqué, je fais un usage stratégique du terme « soi » pour désigner le lieu d’interprétance de toute dynamique sémiotique où qu’elle se trouve. C’est en ce sens que je pose une équation entre le soi, la vie et la sémiose, car l’entité qui témoigne d’une telle dynamique est, formellement parlant, vivante. Bien entendu, il y a de nombreuses sortes de sois, qui ne doivent pas être confondues (les cellules, les professeurs qui s’affrontent et les foules, pour ne prendre que trois exemples, sont des créatures très différentes), mais qui en dépit de leurs différences n’en partagent pas moins une ressemblance – une ressemblance qui est bonne à penser. En ce qui concerne la présence de « l’animal » dans cette équation, il doit sembler évident à tout lecteur attentif de mon texte que je parle de pensées en tant qu’elles ressortissent à une dynamique évolutionnaire (et représentationnelle), à mesure qu’elle s’accumule autour n’importe quel soi qui en est le résultat [6][6]En fait, mon analyse de la représentation bio-sémiotique des….

26Puisque Jean-Marie Chevalier construit son essai autour d’une équation, je terminerai mon propre texte sur une équation. Chevalier oppose à « mon » équation une vision de la sémiotique peircienne qu’il pense être plus correcte textuellement parlant. Selon son interprétation de Peirce, la pensée ne se limite pas à la vie. Elle se trouve partout et, qui plus est, elle est partout symbolique. Par conséquent, pour Chevalier, la pensée symbolique = toute entité dans l’univers. Dans un sens très rudimentaire, cette affirmation contient des idées peirciennes. En premier lieu car dans cette conception de la réalité comme étant complètement continue avec elle-même que défend Peirce, il n’y a rien, hormis peut-être l’étincelle de la première priméité, qui puisse être absolument nouveau ou différent. Donc quelque chose d’apparemment aussi nouveau qu’un esprit (mind) doit être continu de quelque chose qui le précède. (La « matière » morte et ossifiée n’est rien de plus pour Peirce que l’esprit « statufié par l’habitude » CP 1.158). Même l’univers au moment du Big Bang inclut la possibilité formelle de la pensée symbolique. En second lieu, car on pourrait dire que tout est sémiotique au sens peircien que nous ne pouvons concevoir aucune entité dans l’univers qui n’est pas capable, d’une façon ou d’une autre, d’être représentée (nous ne pouvons pas concevoir, comme le dit Peirce, « d’absolus inconnaissables » [Peirce 1992 : 30]).

27Mais le simple fait que tout ce qui est représentable peut potentiellement être représenté ne signifie pas que « toute » entité est « intrinsèquement sémiotique » (ainsi que l’affirme Chevalier). Si les flocons de neige sont effectivement sémiotiques, et Chevalier affirme qu’ils le sont, alors je le mets au défi de nous montrer qu’il en existe différents lignages, qu’ils ont crû et se sont diversifiés avec le temps, chacun venant à représenter le monde qui les entoure de différentes façons, certains ressemblant plus à – disons – des montagnes et d’autres à des aiguilles de pins, d’autres à leurs « prédateurs » les gouttes de pluie, d’autres encore à de la mousse et d’autres enfin au dos des caribous ou au trottoir gris de Paris sur lesquels ils tombent et ne tardent pas à fondre. Sans oublier les sortes de flocons – dans le monde de Chevalier – qui conserveraient la mémoire, dans leur supposé ADN cristallin, des différentes pentes des toits sur lesquels ils sont tombés, puisque ceux-ci aussi changent avec le temps et d’un endroit à un autre. Mais les flocons de neige ne seraient pas seulement sémiotiques, ils seraient aussi symboliques. Je le mets au défi – lorsqu’il aura fini de classer ses lignages de flocons de neige (pas seulement ceux qui sont « vivants » mais aussi ceux qui sont « éteints ») – de nous montrer comment leurs communautés diversifiées en sont venues, avec le temps à témoigner de quelque chose de comparable à des dialectes (humains), des langues et des cultures. Sur cette planète, ce serait une tâche impossible. Et, à une époque où les écologies d’esprit qui nous contiennent sont menacées, l’enjeu est précisément de trouver les bonnes manières de penser avec la vie de la pensée sur cette planète.

28Nul besoin d’écrire tout un essai pour démanteler l’équation entre l’univers et le symbole. Il est possible de soutenir textuellement une telle lecture de Peirce, mais seulement en pratiquant une sorte de philosophie qui ne se préoccupe pas de réfléchir à la façon dont les idées viennent à entrer en relation ou à avoir une pertinence pour un monde au-delà de celui des textes philosophiques. Si c’est tout ce que la philosophie peut offrir, alors je préfère penser avec les forêts.

Notes

  • [1]
    En français dans le texte.
  • [2]
    J’emploie ici le terme « relatif » en référence au caractère enchâssé de la métaphysique peircienne. Ainsi, par exemple, la sémiose témoigne, relativement à d’autres dynamiques du monde, de davantage de tercéité, même si au sein du domaine de la sémiose, il existe des sortes de dynamique sémiotique qui, relativement aux autres, témoignent de davantage de priméité. Saisir cet enchâssement est d’une importance cruciale pour saisir comment, dans une métaphysique peircienne, la nouveauté (novelty) émerge de la continuité.
  • [3]
    Je suis évidemment tout à fait conscient que le « quelqu’un » dont parle Peirce dans sa définition du signe est, comme il l’explique dans ses dernières lettres, un pis-aller (sop to Cerberus, Peirce 1998e : 478). L’inquiétude de Peirce vis-à-vis de termes tels que « quelqu’un » ou « personne » est qu’ils puissent être interprétés à tort comme une réification homonculaire (c’est-à-dire comme un penseur qui pense à travers un processus de signe mais qui n’est pas lui-même constitué d’un tel processus de signe). Il devrait être assez clair que lorsque j’utilise des termes comme « soi » ou « personne », je les envisage d’un point de vue complètement sémiotique au sens de Peirce.
  • [4]
    Ma référence au « Peirce bizarre », à cet égard, est adressée à mes collègues anthropologues qui ont tendance à ne retenir de Peirce que ce qu’il dit du symbole et ainsi à ignorer le reste de sa métaphysique, « bizarre » à leurs yeux, alors que celle-ci a tant à dire du non-humain (et du non-symbolique) dans lequel l’humain est enchâssé.
  • [5]
    Je voudrais d’ailleurs faire remarquer en passant que la tentative de Chevalier de « purifier » Peirce de ses interprétations et applications bio-sémiotiques n’a aucun sens en termes pragmatistes peirciens. Je veux dire que si Peirce a ontologiquement raison sur la sémiose, alors ses idées se verront confirmées par les systèmes de signes qui opèrent dans le monde biologique.
  • [6]
    En fait, mon analyse de la représentation bio-sémiotique des sols traite de la façon dont des plantes en viennent à représenter le monde. Jean-Marie Chevalier choisit plutôt de se concentrer sur le rôle que jouent les herbivores dans ce processus la plupart desquels, en tout cas, sont des invertébrés.

Références citées

  • Houser et al., 1998, The Essential Peirce : Selected Philosophical Writings. Volume 2. Bloomington : Indiana University Press.
  • Kohn, Eduardo, 2017, Comment pensent les forêts. Vers une anthropologie au-delà de l’humain. Trad. Grégory Delaplace. Bruxelles : Zones Sensibles.
  • Latour, Bruno, 2012, Enquête sur les modes d’existence. Une anthropologie des Modernes. Paris : La Découverte.
  • Peirce, Charles S., 1931, Collected Papers of Charles Sanders Peirce. Cambridge, MA : Harvard University Press.
  • – 1992, Some Consequences of Four Incapacities (1868). In The Essential Peirce : Selected Philosophical Writings. Volume 1 (1867-1893). N. Houser and C. Kloesel, eds. Pp. 28-55. Bloomington : Indiana University Press.
  • – 1998a, The Three Normative Sciences (1903) In The Essential Peirce : Selected Philosophical Writings. Volume 2 (1893-1913). The Peirce Edition Project, ed. Pp. 196-207. Bloomington : Indiana University Press.
  • – 1998b, Pragmatism as the Logic of Abduction (1903). In The Essential Peirce : Selected Philosophical Writings. Volume 2 (1893-1913). The Peirce Edition Project, ed. Pp. 226-241, 530-533. Bloomington : Indiana University Press.
  • – 1998c, The Nature of Meaning (1903). In The Essential Peirce : Selected Philosophical Writings. Volume 2 (1893-1913). The Peirce Edition Project, ed. Pp. 208-225. Bloomington : Indiana University Press.
  • – 1998d, Of Reasoning in General (1903). In The Essential Peirce : Selected Philosophical Writings. Volume 2 (1893-1913). The Peirce Edition Project, ed. Pp. 11-26. Bloomington : Indiana University Press.
  • – 1998e, Excerpts from Letter to Lady Welby (1906-08). In The Essential Peirce : Selected Philosophical Writings. Volume 2 (1893-1913). The Peirce Edition Project, ed. Pp. 477-491. Bloomington : Indiana University Press.
Eduardo Kohn
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Mis en ligne sur Cairn.info le 31/08/2018
https://doi.org/10.3917/caph1.153.0113
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