- Analyse exploratoire de “ points de vue �? : une contribution pour outiller les processus de conception
- Chapitre10. L'analyse structurale de contenu, une démarche pour l'analyse des représentations
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S'inscrire Alertes e-mail - Le travail humain Cairn.info respecte votre vie privéeCet article a pour objectif de présenter une approche méthodologique qui pourrait contribuer à explorer les « points de vue » caractérisant les représentations d’experts en conception de manière à fournir des aides afin d’outiller les processus de conception. L’expression point de vue dans la conception est utilisée dans des articles récents en ergonomie cognitive (Béguin & Darses, 1998 ; Cahour, 2002 ; Lebahar, 2001 ; Martin, Détienne, & Lavigne, 2001 a, 2001 b ; Détienne, Martin, & Lavigne, à paraître) et plus généralement dans les approches récentes des sciences qui s’intéressent à la conception (Brassac & Grégory, 2001 ; Boujut, 2001 ; Garro, Choulier, & Deniaud, 2001). L’apparition de ce nouveau concept dans les études ergonomiques sur la conception se fait au moment où émerge un intérêt fort pour la dimension collective des activités de conception, à côté de l’approche classique s’intéressant à la dimension individuelle de cette activité (par exemple : Burkhardt & Détienne, 1995 ; Béguin & Darses, 1998 ; Détienne, 1998 ; Sonnentag & Lange, 2002).
2 La méthodologie présentée ici pour explorer les points de vue d’acteurs de la conception est généralisable à toute recherche utilisant des entretiens et des analyses de verbalisations (sous réserve de quelques précautions qui seront exposées) car elle propose des méthodes spécifiques permettant la reproductibilité et la comparaison de différents corpus (pouvant être recueillis ultérieurement, lors d’une étude longitudinale, par exemple) telles que :
3 Ces méthodes ont été retenues pour différentes raisons. Tout d’abord, elles permettent d’analyser finement le discours de locuteurs et de donner par conséquent des résultats exploitables. La verbalisation, rappelons-le, est souvent nécessaire en ergonomie pour inférer les mécanismes mentaux surtout dans les cas où le comportement spontané observable du sujet est pauvre ou ambigu. Cette verbalisation joue un rôle d’autant plus important qu’elle permet un recensement exhaustif de l’information prise en compte pendant l’activité (Leplat, 2000). Malheureusement elle a été longtemps laissée de côté, car considérée comme une donnée molle (soft) par rapport à des données dites dures (hard) comme les temps de réponse ou l’occurrence des erreurs (Ericsson & Simon, 1984). Deux facteurs peuvent contribuer à cela : les conditions de recueil et les conditions d’interprétation. Cependant les avancées technologiques ont permis depuis de traiter les énoncés (protocoles verbaux) comme des données dures, grâce aux moyens d’enregistrement, évitant ainsi à l’analyste de prendre des notes sélectives ou des omissions, mais aussi grâce aux modèles théoriques qui permettent d’établir des règles d’inférence explicites et objectives. Le contrôle de ces deux facteurs permet ainsi d’obtenir des données reproductibles, les protocoles verbaux sont donc réguliers et valides.
4 Les méthodes présentées dans cet article ont été utilisées dans le domaine de la conception en Réalité virtuelle (RV) ou en simulation (Burkhardt & Wolff, 2003), mais aussi dans d’autres domaines tels que ceux de :
5 Pour toutes ces études, les discours des opérateurs concernés ont été entièrement retranscrits verbatim. Lorsque l’objectif de la recherche est d’analyser finement des discours afin de recueillir des avis, des expériences, des difficultés, des raisonnements et d’en extraire des résultats exploitables afin de proposer des recommandations, le chercheur ne peut se contenter d’analyser ses propres notes ou des grilles d’analyses succinctes, présentant uniquement les thèmes évoqués de manière récurrente. Il est d’ailleurs courant en ergonomie que l’analyste, lorsqu’il veut étudier des discours, cherche à repérer au mieux les expressions ou termes les plus représentatifs des corpus recueillis, et ce n’est qu’en retranscrivant ces discours qu’il pourra trouver des réponses à ces questions (Vermersch, 1994 ; Blanchet, 1997).
6 Pour ce qui concerne notre étude, nous nous intéresserons plus particulièrement à la notion de « point de vue » exprimée en situation de conception ; cette notion étant émergente en ergonomie, il était nécessaire de mettre en œuvre ici une exploration détaillée et approfondie des discours recueillis par le biais d’entretiens semi-dirigés.
7 Après avoir examiné la notion de point de vue dans le domaine de la conception et en ergonomie cognitive, nous montrons qu’elle ne peut pas être assimilée de façon directe à la notion de représentation utilisée en ergonomie, bien qu’elle en soit très proche. La seconde partie présente l’approche méthodologique pour l’analyse des points de vue en conception : l’utilisation conjointe d’une analyse discursive et d’analyse géométrique des données (Analyse en composantes principales). Les différentes méthodes utilisées sont mises en rapport avec d’autres existantes, puis discutées. En troisième partie, notre approche est illustrée par une étude menée auprès de concepteurs œuvrant dans la conception d’usines (traitement des ordures ménagères). À partir des résultats, le point de vue des experts est étudié. La dernière partie propose une discussion de l’intérêt de la notion de point de vue et des recommandations, afin d’outiller les acteurs de la conception, notamment pour la prise en compte des facteurs humains.
8 Dans la recherche, comme dans la pratique ergonomique, de nombreuses notions sont utilisées dans un sens commun, sans qu’apparaisse le besoin réel de les formaliser davantage. C’est d’ailleurs majoritairement le cas pour la notion de point de vue. Deux raisons nous font suggérer qu’il est intéressant ici d’analyser ce concept et ses articulations théoriques. D’une part, il s’agit de comprendre la valeur pragmatique de cette notion émergente dans le domaine de l’ergonomie des activités de conception, par rapport à d’autres notions telles que la notion de représentation. D’autre part, il s’agit de contribuer aux connaissances théoriques et méthodologiques concernant l’étude des processus individuels, voire collectifs, mis en œuvre dans la conception. Cette recherche s’inscrit dans le cadre des études sur les activités cognitives des concepteurs menées en ergonomie dans de nombreux domaines : architecture (De Vries, 1993 ; Lebahar, 1996), informatique (Détienne, 1998 ; Détienne & Burkhardt, 2001 ; Hoc, 1984 ; Kant & Newell, 1984 ; Visser, 1987), électronique, ou mécanique (Badke-Schaub & Frankenberger, 2001). Ces études renvoient généralement à trois finalités dont l’objectif est d’améliorer la prise en compte des usages et de la sécurité dans le processus de conception (voir, par exemple : De la Garza, 2003 ; Fadier, De la Garza, & Didelot, 2003), la communication entre les acteurs de la conception (Bernard, 1999), ou les conditions et les outils de travail des concepteurs (voir Détienne & Burkhardt, 2001).
9 Dans la communauté informatique, ce sont les termes viewpoint ou view qui ont donné naissance à la traduction française point de vue. Des acceptions spécifiques coexistent dans différents domaines de l’informatique et il est possible de distinguer schématiquement deux grands courants.
10 Le premier voit le point de vue comme un service ou une fonction permettant à un utilisateur spécifique de requérir la seule information qui l’intéresse, et selon la mise en forme qu’il souhaite. Dans le domaine de l’extraction de connaissances et de l’exploration de données, un point de vue est ainsi un attribut fonctionnel qui, pour une entité donnée, retourne une valeur représentant un certain aspect de l’entité considérée (Bannai, Tamada, Maruyama, & Miyano, 2001). De même, dans le domaine des bases de données, le point de vue correspond à un schéma d’interrogation de la base propre à un utilisateur « métier » particulier ; il s’agit, en d’autres termes, d’une vue externe sur les données, par opposition à l’organisation interne des données (le schéma conceptuel) cachée à l’utilisateur (Date, 1979). Le point de vue reflète ainsi – au moins idéalement – les besoins de l’utilisateur pour son activité, en même temps qu’il contribue à spécifier le schéma conceptuel complet de la base de données considérée (Preuner, Conrad, & Schrefl, 2001).
11 Le second courant associe le « point de vue » à un sous-ensemble incomplet des spécifications d’un problème ou de sa solution (Finkelstein, Kramer, Nusebeih, Goedick, & Finkelstein, 1992 ; Sommerville, Sawyer, & Viller, 1998). Des outils commencent à être envisagés pour assister cette approche, incluant le contrôle et le suivi des relations entre les différents points de vue sur le système, la détection des incohérences et leur résolution (voir, par exemple : Ehrig, Heckel, Taenzer, & Engels, 1997 ; Grundy & Hosking, 1997).
12 L’usage des termes points de vue est récurrent en ergonomie, en particulier à travers l’expression point de vue de l’utilisateur. Cet usage commun renvoie au fait que l’utilisateur « ne voit pas » l’artefact, conçu ou à concevoir, du même œil que le concepteur, selon la même perspective. On trouve la préoccupation d’identifier cette perspectiveparticulière de l’utilisateur, à côté d’autres perspectives, dans les méthodes de conception visant à intégrer l’utilisateur, par exemple, dans le développement informatique (voir la méthode « Diane + » par Tarby & Barthet, 1996), en ingénierie sociocognitive (Sharples, Jeffery, du Boulay, Teather, Teather, & du Boulay, 2002).
13 Des auteurs s’intéressant à la dimension collective de la conception proposent récemment des acceptions plus spécifiques. Dans le contexte de la conception participative, Reuzeau (2001) utilise la notion de point de vue pour mettre en exergue le fait que, bien que des utilisateurs aient le même métier et la même formation (pilotes dans l’aéronautique), la nature de leur activité principale (instructeur contre pilote d’essais) induit une bonne part de commentaires spécifiques, lorsqu’il s’agit d’évaluer la solution en cours de conception. Cet auteur insiste sur la complémentarité de ces points de vue, considérés ici comme des sources d’information pour orienter la conception vers une solution adaptée à ses futurs utilisateurs. Dans un contexte également participatif, Cahour (2002) fait appel à la notion de point de vue pour souligner les difficultés qu’engendre la multiplication des dimensions d’écarts séparant les groupes d’acteurs de la conception : écarts dans les pratiques et les savoirs professionnels, écarts dans les perspectives et représentations de l’objet à concevoir, écarts dans les responsabilités, écarts dans les approches mêmes de l’activité de conception. L’effet de ces différents facteurs a été confirmé par une étude menée dans le domaine de la conception de logiciels impliquant différents acteurs : maîtres d’œuvre, maîtres d’ouvrage, cadres, utilisateurs finaux (De la Garza & Stocker, 2003). Notons que ces premières acceptions apparaissent peu différentes de la notion de représentation (éventuellement opérative) plus souvent mobilisée en ergonomie cognitive. D’autres travaux distinguent plus formellement les deux concepts.
14 Dans un contexte d’ingénierie simultanée, Martin, Détienne et Lavigne (2001 b) assimilent le point de vue en conception à des combinaisons spécifiques de contraintes pour le problème à résoudre. Trois types de combinaisons de contraintes sont décrites, à partir desquelles les auteurs distinguent trois catégories de points de vue : le point de vue partagé(shared viewpoint), qui reflète les contraintes prescrites, indépendant du métier ; le point de vue métier(speciality-specific viewpoint), qui se compose du point de vue partagé auquel s’ajoutent les contraintes spécifiques qui en découlent pour chaque spécialité/métier considéré ; enfin, le point de vue intégré(integrated viewpoint), qui correspond au regroupement d’au moins deux points de vue métier différents. Enfin, pour Lebahar (2001), le point de vue résulte de « l’application coordonnée de critères à certains objets et groupements d’objets du monde, pour les inscrire dans des classes ». Le point de vue, en tant que mécanisme de sélection et de classification des objets et des contextes, est de ce fait à l’origine de la représentation opérative, mais ne peut lui être directement assimilé. Cet auteur étudie les échanges de messages électroniques entre différents participants, au cours de la conception d’un cahier des charges, à l’intérieur d’une entreprise. L’auteur souligne que, parce que le point de vue délimite un espace problème particulier, il constitue aussi une stratégie d’influence entre les différents acteurs dans les situations de poly-logue. Plus particulièrement, ces stratégies d’influence peuvent être vues comme la construction de messages destinés à réaliser certains objectifs de pouvoir sur les personnes et les événements. Dans ce sens, le point de vue correspond aux stratégies visant à introduire (ou, au contraire, à exclure) des classes d’objets et de thèmes dans le dialogue. Sur le plan méthodologique, cet auteur souligne qu’il est possible de dégager un point de vue toutes les fois que l’on met en évidence le critère utilisé pour former un univers de choix.
15 Au regard de ces recherches, on constate que l’étude de la notion de point de vue a évolué, puisque, dans un premier temps, beaucoup de travaux se sont intéressés au point de vue « utilisateur », puis à la multiplicité des représentations en conception participative. On semble aujourd’hui se rapprocher d’une acception plus constructiviste : un point de vue est à la fois une représentation, une stratégie et un objet intermédiaire d’échanges à l’intérieur du collectif.
16 En ergonomie, les études concernant les concepts de représentations et l’utilisation des connaissances se fondent, pour la plupart, sur les travaux d’Anderson (1983), Rasmussen (1983, 1986) et Ochanine (1978). De façon schématique, la notion de représentation mentale est une hypothèse théorique sur le contenu ou la structure informationnelle (la représentation circonstancielle : Richard, 1990) sur laquelle un sujet effectue un traitement pour réaliser une tâche, ou encore sur la forme et les propriétés des connaissances stabilisées acquises par la pratique d’une activité et stockées en mémoire à long terme (schémas). Dans les deux cas, il s’agit généralement de caractériser la représentation d’un expert ou d’un opérateur expérimenté (la représentation du novice étant souvent un étalon méthodologique pour mettre en évidence l’influence de la variable expertise). Dans les deux cas également, la représentation mentale constitue, pour l’observateur, un objet d’étude interne au sujet expert. Pour le domaine de la conception, de nombreux travaux ont porté, par exemple, sur les activités de raisonnement ou de prise de décision (Burkhardt & Détienne, 1994 ; Détienne, 1991 ; Détienne, 1998 ; Hoc, 1982, 1992 ; Sauvagnac, 2000 ; Visser, 1995). Ces études partagent l’idée de l’existence d’une certaine économie cognitive qui, dans le cadre d’une activité collective, se traduit par exemple par l’utilisation d’un langage opératif (langage codé et partagé par une communauté scientifique : Falzon, 1989) et l’utilisation de certains modes opératoires efficaces par rapport à un certain contexte de travail. Ces caractéristiques permettent aux sujets de réaliser les tâches très rapidement et à moindre coût. Ces caractéristiques définissent les propriétés de ce que l’on appelle une représentation opérative ou opérationnelle, par opposition à la représentation mentale que construirait un novice dans une situation identique. Par ailleurs, la représentation mentale de l’expert n’est pas seulement le reflet de l’objet considéré, mais le reflet de l’action projetée sur cet objet ; un même objet peut par conséquent engendrer une multiplicité de représentations, y compris chez un même opérateur si les objectifs de l’action changent ou s’ils sont multiples (Sperandio, 1984). Des notions proches coexistent, telles que celles d’image opérative (Ochanine, 1978), de modèle mental (Norman, 1983), de représentation fonctionnelle (Leplat, 1985), de Système de représentation et de traitement (SRT : Hoc, 1992), de représentation pour l’action (Weill-Fassina, Rabardel, & Dubois, 1993).
17 Le « point de vue » se distinguerait des représentations mentales par au moins un aspect majeur : c’est une « opinion exprimée » dans un temps et un contexte donnés. En d’autres termes, il s’agit d’une production externe, publique, ancrée socialement dans une activité collective. Cette production a pour caractéristique de délimiter les classes d’objets et les thèmes traités. En ce sens, si le critère est la réalisation de la tâche, alors le point de vue qui en résulte est probablement proche de la notion de représentation opérative (étant postulé que le contexte social a peu ou pas d’influence sur les données recueillies). Toutefois d’autres critères peuvent être appliqués, notamment dans un collectif, où l’objectif de réalisation de la tâche n’est généralement pas le seul poursuivi : d’une part, il y a la concurrence et éventuellement instrumentalisation d’objectifs à d’autres niveaux (tournés vers les personnes, l’organisation, la carrière, etc.) ; d’autre part, différentes sphères temporelles coexistent dans ces objectifs (objectifs immédiats, tactiques ou encore stratégiques).
18 En ce qui concerne cette étude, l’analyse de points de vue a été réalisée en situation réelle, dans le cadre d’un projet de conception en cours.
19 Nous commencerons par une brève présentation des différentes méthodes d’analyse discursive existantes, puis le choix de la méthode retenue sera justifié.
20 En effet, lorsqu’un chercheur désire analyser des verbalisations, soit il ne souhaite pas les analyser en profondeur et cherche seulement un complément d’informations par rapport à différents recueils qu’il a déjà effectués – et, dans ce cas, un simple relevé manuel des principaux thèmes évoqués, assorti d’une analyse de fréquences, lui suffit –, soit il désire analyser finement un discours dans l’objectif d’en extraire des informations nouvelles ou d’explorer un nouveau champ d’investigation (des recueils par rapport à un raisonnement, un mode de pensée, une organisation, etc.) – et, dans ce cas, le discours doit être étudié de manière plus rigoureuse et nécessite une retranscription. Cette retranscription effectuée, deux choix sont encore possibles :
21 À ce niveau, quelle que soit la méthode « automatique » choisie, il faut être conscient qu’elle nécessitera, dans tous les cas, une formation de la part de l’utilisateur, tant au niveau des principes qu’au niveau de l’utilisation des statistiques et de l’interprétation des résultats fournis. Il faut aussi rester vigilant sur le fait que l’analyste peut orienter l’interprétation des résultats, a fortiori s’il est spécialiste du domaine sur lequel porte le discours, car il peut être amené à effectuer des « transferts » hâtifs sous prétexte qu’il domine le sujet et, par conséquent, à formuler des conclusions erronées. Il est donc recommandé d’effectuer régulièrement des confrontations avec d’autres spécialistes du domaine étudié, d’autant plus si le discours étudié est fondé sur l’utilisation d’un langage opératif (langage spécifique partagé par une certaine communauté). Notons que ces recommandations sont également valables pour toute analyse qualitative.
22 Alceste[2] [2] Logiciel Alceste, version 4. 7. Image, 12, rue...
suite (voir Reinert, 1990), par exemple, est un logiciel d’analyse lexicale qui utilise la méthode de Classification descendante hiérarchique (CDH) en procédant par fractionnements lexicaux. Cette classification repère les oppositions les plus fortes entre les mots du texte en effectuant des analyses factorielles sur la base des travaux de Benzécri (1992), et extrait ensuite des classes d’énoncés représentatifs. Cette méthode d’analyse s’apparente plus à une statistique textuelle qu’à une analyse discursive, ne traite pas les ambigu ïtés relatives non seulement aux différentes catégories grammaticales, mais aussi à la sémantique (par exemple, « nous avions » peut être confondu avec « les avions » ou le mot « or » est confondu avec le connecteur « or »). Une préparation du texte à étudier s’avère donc plus que nécessaire avant d’effectuer toute analyse (repérer les différents mots en les indexant, par exemple).
23 Alceste ou d’autres logiciels tels que
suite
suite
24 Or, analyser les points de vue implique de proposer une méthode exploratoire pour décrire l’articulation des opinions, des objectifs et des connaissances des différents acteurs de la conception. Par « articulation », on entend la possibilité d’analyser les points de vue individuels et ceux des catégories d’acteurs à travers la même grille systématique et reproductible, cette grille étant construite à partir de l’ensemble des données recueillies auprès de l’ensemble des acteurs. Face à ces points de vue non totalement concordants, plusieurs démarches d’analyse sont possibles : ne conserver que les points de vue concordants et rejeter les autres ; faire un choix majoritaire ; tout accepter, au risque de ne rien pouvoir conclure ; ou visualiser les divergences et convergences sur un système d’axes sur lesquels les oppositions et proximités apparaîtront. L’analyse du discours répond à ce dernier objectif.
25 Les méthodes d’analyse discursive les plus utilisées sont actuellement celles fondées sur l’Analyse de contenu thématique (ACT ; voir Bardin, 1991), où les « thèmes » du discours sont le plus souvent organisés par le codeur lui-même, avant l’analyse et à partir de sa subjectivité. Ces analyses ne sont donc pas, la plupart du temps, reproductibles. Afin de valider l’analyse des verbalisations, il est donc nécessaire d’avoir recours à une méthode expérimentale et reproductible. L’Analyse cognitivo-discursive (ACD ; voir Ghiglione et al., 1998), prolongement de l’Analyse propositionnelle du discours (APD ; Ghiglione & Blanchet, 1991), dont l’unité de découpage est la proposition, le permet. La charge que représente le découpage propositionnel d’un discours en rend la réalisation manuelle difficile, dès lors que le discours analysé excède une certaine taille. Or les corpus recueillis dans les activités de conception sont généralement importants du fait de la diversité des acteurs et de la durée des projets, parfois sur plusieurs mois ou années. Une solution consiste à effectuer un découpage propositionnel « à la main » sur une sélection d’épisodes (Lebahar, 2001), l’autre solution étant d’utiliser un logiciel assistant l’analyste dans cette première étape. Le logiciel assistant que nous proposons pour ces analyses est le logiciel Tropes. On distinguera deux étapes d’analyse de données. La première correspond à la description des contenus objectifs des points de vue, c’est-à-dire la façon dont les objets de la représentation et les facteurs sont articulés. La seconde consiste à intégrer dans l’analyse précédente des variables d’ordre pragmatique, c’est-à-dire des indicateurs langagiers qui organisent les discours. Dans un premier temps, une Analyse propositionnelle du discours (APD), assortie d’une classification sémantique, est mise en œuvre, puis les résultats de cette analyse sont ensuite étudiés de manière multidimensionnelle, en effectuant une Analyse en composantes principales (ACP) standard, dont les interprétations seront complétées par les résultats d’une Analyse cognitivo-discursive (ACD) dont les principes de base sont énoncés.
26 Le logiciel Tropes, fondé sur les travaux relatifs au modèle propositionnel de Kintsch et Van Dijk (1978), Van Dijk et Kintsch (1983), Kintsch (1988), permet de valider bon nombre d’analyses de contenus, à partir d’analyses propositionnelles du discours (APD), car il donne également la possibilité de dégager les styles discursifs utilisés par les locuteurs, à l’aide de classifications élaborées sur différents indicateurs langagiers utilisés et fondées sur les recherches de Charadeau (1992), inspiré par Benveniste (1974) et François (1986).
27 Ces indicateurs (voir tableau 1) correspondent aux catégories de verbes (factifs, statifs, déclaratifs, performatifs), aux modalisations (plus connues sous le nom d’adverbes), aux connecteurs (appelés aussi conjonctions de coordination), aux catégories d’adjectifs (objectifs, subjectifs, numériques), définies par l’APD.
28 Pour l’analyse, l’utilité de ces indicateurs se situe à deux niveaux. Au niveau local, il est possible de repérer les relations fortes entre les références évoquées par les locuteurs et les indicateurs langagiers utilisés pour cette évocation. En référence à Benveniste (op. cit.), les connecteurs ainsi que les modalisations de temps et de lieu permettent de situer l’action ; les modalisations d’intensité et de négation, de dramatiser le discours ; les connecteurs de cause et de condition, de construire un raisonnement ; et les connecteurs d’addition, d’énumérer des faits ou des caractéristiques. Plus particulièrement, les connecteurs d’opposition permettent à la fois d’argumenter, de relativiser et de présenter des thèses opposées.
29 À un niveau plus global, les différents indicateurs langagiers se combinent de façon préférentielle, définissant ainsi le style de discours utilisé par le locuteur. Le style est diagnostiqué en effectuant une analyse de la variance sur les catégories définies par l’analyse propositionnelle du discours. Pour obtenir le résultat, la répartition des catégories APD du texte analysé est comparée à des « normes de production langagières » qui sont stockées dans les dictionnaires du logiciel. Ces normes ont été obtenues en analysant un grand nombre de textes différents (entretiens, articles de presse, romans, etc.). Mais le logiciel peut très bien ne pas diagnostiquer de style, si rien n’est statistiquement significatif. Quatre styles sont conventionnellement distingués (voir Charadeau, 1992, pour un exposé détaillé) : argumentatif, énonciatif, narratif, descriptif. Les styles argumentatif ou énonciatif indiquent une implication du locuteur (utilisation préférentielle de verbes statifs, déclaratifs, de modalisations d’intensité, de négation, etc.), alors que les styles descriptif ou narratif révèlent plutôt des descriptions de successions d’événements (utilisation de verbes factifs, de modalisations de lieu, de temps, etc.). Cette étude portant sur les avis d’experts, il est en effet tout indiqué de vérifier, d’une part, que les discours sont comparables (de même style) et, d’autre part, qu’ils sont énoncés dans un souci d’argumentation et non de description de situations (ce qui pourrait se produire si les personnes interrogées ne voulaient pas révéler réellement leur avis). On s’assure donc au préalable que les discours sont de style argumentatif, voire énonciatif.
30 Toutefois, dans le cas de dialogues recueillis lors de réunions de travail mettant en présence des locuteurs ayant des statuts différents au sein de l’entreprise, le style peut devenir une variable de l’analyse (voir Visser & Wolff, 2003). Par exemple, il peut traduire les niveaux hiérarchiques des personnes qui interviennent, si chaque discours est étudié séparément.
31 De plus, Tropes traduit une approche sémantique, fondée sur des dictionnaires comprenant des centaines de milliers de classifications sémantiques prédéfinies. Sur ces bases, le logiciel fournit au départ, pour le discours particulier que l’on souhaite étudier, une analyse en « univers de référence », où chaque univers est composé d’un ensemble d’ « équivalents sémantiques », c’est-à-dire des regroupements de termes sémantiquement proches, sur la base de classifications sémantiques prédéfinies à partir des normes précitées. Afin de mieux appréhender cette notion d’univers de référence sémantique, nous fournirons l’exemple basique suivant, inspiré d’un discours pouvant être focalisé sur un récit familial. Tout d’abord, Tropes regroupera les substantifs frère, sœur dans un univers de référence dit secondaire, fratrie ; les substantifs mère, père, dans un autre univers de référence secondaire, parents, puis ces deux univers secondaires seront ensuite regroupés dans un seul univers plus large (univers de référence de premier niveau) : famille, qui pourra aussi inclure des substantifs non classés tels que cousin, cousine, tante, oncle, etc. Ces classifications, fournies automatiquement par le logiciel, sont soumises à l’analyste, qui peut les modifier ou les compléter en fonction du langage spécifique au domaine dans lequel les locuteurs étudiés évoluent (langage opératif). Si l’on reprend l’exemple familial précité, le logiciel ne pourra pas classer, par exemple, Firmin, « ne sachant pas » qui est Firmin. Il le détectera seulement comme une référence citée à n reprises. Seul l’analyste pourra savoir que Firmin est le cousin de la mère. Il aura alors la possibilité de l’inclure, s’il le désire, dans l’univers sémantique famille déjà constitué ou, au contraire, le considérer comme un autre univers sémantique dénommé Firmin. Tout comme il aura le choix d’isoler tante, oncle, cousin de l’univers famille, et de les regrouper dans un autre univers qu’il pourra nommer, par exemple, parents proches, s’il désire étudier plus finement les relations familiales.
32 L’ensemble des univers de référence adoptés pour l’analyse d’un certain corpus est appelé scénario dans Tropes. Ainsi, le scénario est construit par l’analyste non seulement à partir des univers sémantiques fournis automatiquement par le logiciel, mais aussi par les modifications et/ou ajouts que ce dernier fera « manuellement » à partir de sa connaissance du langage opératif utilisé par les locuteurs. Pour élaborer un scénario constitué de différents univers sémantiques regroupant des équivalents paradigmatiques pertinents, l’analyste devra donc maîtriser parfaitement ce langage opératif, au risque d’ajouter de la subjectivité à la démarche, initialement conçue pour éviter un tel écueil. C’est donc bien le discours qui fournit les thèmes principaux (univers de référence que l’on peut regrouper ou scinder), et non l’inverse (on ne peut pas décider à l’avance d’un thème si le discours n’y fait pas référence). En résumé, la méthode demande à l’analyste de n’avoir aucun a priori sur le discours, contrairement à l’analyse thématique classique, où les thèmes sont souvent définis à l’avance par l’analyste.
33 En prolongement de l’APD et des classifications sémantiques, l’Analyse cognitivo-discursive (ACD) permet de dégager les propositions remarquables des différents discours. Sur le plan linguistique, un discours ou un texte comprennent une suite d’énoncés dont la complexité peut varier. Si l’on se réfère à l’optique prédicative, une proposition dite prédicative est constituée d’un prédicat ( « dire quelque chose à propos de l’entité désignée par l’argument » ) et d’un ou de plusieurs arguments[5] [5] Nous citerons l’énoncé classique :...
suite. Selon Kintsch (Kintsch, 1988 ; Kintsch & Van Dijk, 1978), ces propositions ne sont pas distribuées au hasard dans le discours et n’ont pas non plus le même statut. Par ailleurs, les propositions sont cohérentes entre elles grâce à la répétition implicite ou non des arguments (cohérence locale) et, d’autre part, elles sont hiérarchisées (notamment pour construire la cohérence globale). La capacité de la mémoire de travail étant limitée, le traitement des propositions est effectué par cycles, chaque cycle démarrant par une proposition ayant le niveau le plus élevé dans la hiérarchie (proposition de niveau 0), proposition dite « topique »[6] [6] Cette proposition correspond, pour les théoriciens...
suite, que les auteurs appellent superordonnée. Dans un cycle, l’importance d’une proposition est définie par sa distance par rapport à la proposition superordonnée (ainsi, une proposition partageant un argument avec la proposition topique sera déclarée de niveau 1 ; une autre qui partagera un argument avec une proposition de niveau 1 mais pas avec la topique sera déclarée de niveau 2, etc.).
34 Ghiglione et al. (1998) ont opérationnalisé ces différents concepts en y intégrant également les travaux de Schank (1975) qui indiquent que la représentation conceptuelle d’un texte peut se présenter sous la forme d’une chaîne causale. Ainsi, le logiciel Tropes permet d’extraire d’un discours ces propositions importantes, pouvant être inscrites dans la causalité, selon des règles de tri très strictes, prenant en compte des paramètres multiples (par exemple : le « poids » de la proposition, sa position dans la chronologie du discours, sa fonction, son apparition, etc.). Cette extraction de propositions remarquables va permettre d’affiner les interprétations issues des analyses étudiées à l’aide de l’ACP, tant au niveau des références sémantiques qu’au niveau de l’utilisation des descripteurs langagiers.
35 Cet outil, conçu initialement pour l’analyse des discours politiques (Ghiglione, 1989), a été progressivement automatisé (Ghiglione & Blanchet, 1991 ; Ghiglione et al., 1998), puis validé par bon nombre de recherches en psychologie clinique (Mirabel-Sarron & Blanchet, 1992), psychologie sociale (Minnini, Ghiglione & Salès-Wuillemin, 1995 ; Salès-Wuillemin & Gilibert, 2001) ou en Intelligence Artificielle (Kodratoff, 1999) et peut s’avérer être très utile en ergonomie (Visser & Wolff, 2003 ; Wolff & Sperandio, 2001).
36 Notons que Tropes a bien d’autres fonctions, telles les analyses des rafales et des épisodes, très utiles lorsque les discours à étudier sont « spontanés » (sans avoir recours à un guide d’entretien, comme c’est le cas dans l’étude présentée ici), car elles permettent d’étudier finement la chronologie du discours, dans quel ordre les arguments ont été énoncés et comment ils ont été énoncés. Par ailleurs, le logiciel propose des statistiques élémentaires univariées ou bivariées, ainsi que divers graphiques permettant à l’analyste d’obtenir d’ores et déjà des analyses complètes.
37 Les avantages de Tropes sont multiples et il permet à l’utilisateur d’effectuer différentes analyses selon les objectifs qu’il s’est fixés. Ainsi, on ne peut, par exemple, ne faire fonctionner que le module d’analyse sémantique qui propose par défaut différents regroupements par univers, comme il a été exposé précédemment. Les ambigu ïtés sont pour la plupart traitées et le module de repérage des indicateurs langagiers évite les confusions entre les différentes références. Cette utilisation minimaliste, néanmoins pertinente, est à la portée de tout utilisateur de logiciel, non expert en psycholinguistique ; il en va de même pour la constitution du scénario si les locuteurs utilisent un langage opératif. Par ailleurs, le texte initial ne nécessite pas de préparation particulière, la dernière version du logiciel (version 6.01) permettant de traiter directement les formats « Word » ou « HTML ». Par ailleurs, des statistiques élémentaires sont proposées (tris par fréquences ou différents tris croisés) ainsi que de nombreux graphiques où l’on peut visualiser la position des différents univers sémantiques évoqués par rapport à d’autres ou par rapport à certains indicateurs langagiers. Ce qui peut déjà suffire si les objectifs de la recherche ne sont pas trop ambitieux au niveau linguistique.
38 Si l’on désire effectuer une analyse de discours plus approfondie (de type ACD), il est fortement recommandé de se familiariser avec les concepts de base énoncés par Kintsch (Kintsch, 1988 ; Kintsch & Van Dijk, 1978) et Ghiglione et al. (1998), et la lecture de ce dernier est indispensable. Il est aussi vivement conseillé de se munir d’un « manuel de grammaire » de base pour élucider les différents termes linguistiques affichés régulièrement par le logiciel, bien que l’aide en ligne du logiciel se soit beaucoup améliorée pour donner des explications et des exemples quant aux styles utilisés et divers indicateurs langagiers repérés (verbes factifs, statifs, déclaratifs, modalisations, notions d’actant/acté, etc.). Une fois cette étape intégrée, Tropes offre évidemment un large panel de possibilités (par exemple, en psychologie clinique, des recherches ont porté notamment sur l’utilisation préférentielle d’indicateurs langagiers, les positions actant/acté des différentes références évoquées – voir Blanchet, 1991). À ce niveau plus linguistique, il faut également savoir que cette méthode a été critiquée par certains linguistes (les désaccords portent, par exemple, sur les classifications proposées pour les indicateurs langagiers ou sur le taux d’indicateurs pertinents programmé pour déterminer un style). En ce qui concerne les propositions remarquables, ainsi que lors des interprétations, leur restitution par le logiciel est assez opaque. Il faut alors retourner au corpus de base pour comprendre le contexte de l’énonciation et retrouver la phrase initiale dans laquelle a été extraite cette proposition (mais cela étant certainement dû au langage oral retranscrit, pas toujours aisé à analyser et à découper en propositions prédicatives ou non).
39 Un autre problème pourrait être évoqué (mais il concerne également les autres méthodes) : il est difficile d’analyser des dialogues (même si Tropes donne la possibilité d’indexer le texte à l’aide de « délimiteurs » pour repérer les différents locuteurs dans un contexte de dialogue ou de poly-logue et pour analyser les discours séparément) et l’étude des différentes interactions doit encore s’effectuer « manuellement ».
40 Néanmoins, si Tropes est utilisé avec discernement, il reste un outil fiable et puissant, capable d’analyser des textes très volumineux. Cet outil nous a donné quelques indications non négligeables sur, d’une part, les points de vue évoqués par les concepteurs d’usine, lors de la présente étude, et, d’autre part, sur la notion de point de vue elle-même. Notre objectif étant de repérer des profils par fonction, il a donc été nécessaire de prolonger l’analyse discursive par une ACP et une analyse postfactorielle, mises en œuvre à l’aide d’autres logiciels (seul un couplage de Tropes à
suite
41 En ce qui concerne l’étude présentée ci-après, un scénario a été élaboré, puis appliqué à chacun des discours concernés.
42 Pour chaque locuteur, ont été relevées ensuite deux « familles » d’informations, données par le logiciel :
43 Cette étude a été réalisée au Syndicat intercommunal de traitement d’ordures ménagères (SYCTOM) dans le cadre du projet GIPC-PROSPER[8] [8] Projet pluridisciplinaire mené par le « Groupe...
suite, dont le thème général est « l’intégration des risques dès la conception des équipements ». Le SYCTOM conçoit et construit des usines de tri et d’incinération et a un rôle à la fois de maître d’œuvre et de maître d’ouvrage. L’objectif de cette étude est d’identifier leurs connaissances et représentations en matière de sécurité et de prévention, ainsi que leur intégration dans leurs activités de conception. Notre hypothèse de départ est que, quel que soit le métier des différents acteurs, ceux-ci sont sensibles à l’intégration de la sécurité, ne serait-ce que par le biais des obligations réglementaires (normes, contrôles, analyses de risques). Toutefois, d’autres critères de sécurité doivent être pris en compte, et ce, en relation avec des points de vue différents émanant d’acteurs de la conception. L’analyse ci-après avait pour but de les explorer.
44 Pour analyser les différents « points de vue » des concepteurs en systèmes de production, deux séries d’entretiens semi-dirigés, d’une durée d’une heure environ, ont été menées auprès de quatre ingénieurs (2 généralistes et 2 spécialistes) et de trois projeteurs généralistes (formation de mécanique générale).
45 Les quatre ingénieurs ont au moins cinq ans d’ancienneté dans leur métier. Les deux ingénieurs généralistes sont des chefs de projet qui suivent le projet dans son intégralité, ainsi que l’ensemble de l’équipe impliquée dans le projet. Ils participent à la rédaction des cahiers des charges pour les appels d’offres aux différents équipementiers. Les deux ingénieurs spécialistes vont participer tout le long du projet ponctuellement en fonction de leur spécialité. L’un est spécialiste en électricité, automatisme et instrumentation, l’autre dans l’incinération (four et chaudière). En ce qui concerne les projeteurs, ils ont au moins dix ans d’ancienneté dans leur métier, participent généralement en phase avant projet et après la réalisation. Les projeteurs « tracent » les installations, dessinent le génie civil, l’installation générale du futur site (charpente, tuyauterie, ballon, routes)... Ces sept sujets sont représentatifs de leur entreprise, et travaillent tous au SYCTOM.
46 Deux entretiens par personne étaient prévus, mais pour des raisons diverses un des projeteurs a été vu trois fois et un des ingénieurs une seule fois. Au total, nous avons donc réalisé 14 entretiens qui ont été enregistrés sur bande magnétique, puis retranscrits.
47 L’homogénéité des discours a été évaluée avec le logiciel Tropes, avant de mettre en œuvre la constitution d’un scénario commun. Sur les 14 entretiens analysés, 13 présentent un style argumentatif et un seul un style descriptif, indiquant que la personne ne s’est vraisemblablement pas impliquée dans son discours. Les analyses ultérieures n’ont donc pas pris en compte cet entretien.
48 Le scénario d’analyse a été élaboré manuellement à partir de classifications sémantiques effectuées automatiquement par le logiciel Tropes sur les 13 discours. La constitution de ce scénario permet d’intégrer le langage opératif des experts (ce que le logiciel ne peut effectuer, ses classifications étant fondées sur des dictionnaires « classiques »). À partir de ce scénario, nous avons pu mettre en évidence sept « univers principaux » avec leurs classes d’équivalents. Trois autres univers trop liés à une fonction ou peu discriminants car évoqués dans les mêmes proportions par tous les sujets (Conditions de travail, Opérateur et Retour d’expérience) ont été déclarés « univers secondaires ». À ce titre, ils figureront en « variables supplémentaires » lors des analyses géométriques ultérieures.
49 Les sept univers principaux de référence sont présentés ci-dessous avec leurs principaux équivalents :
50 sécurité des machines (boutons commandes, carter, bourrage, urgence);
51 Les trois univers secondaires sont :
52 Cela est déjà un résultat intéressant car les univers principaux correspondent tous à des connaissances issues des documents de base pour l’intégration réglementaire de la sécurité. Ces connaissances sont rassemblées dans deux documents à l’usage spécifique des maîtres d’ouvrage pour la conception des lieux de travail et des équipements de travail[9] [9] INRS (1996), Conception des lieux de travail. ...
suite. En revanche, les univers secondaires correspondent en partie à des aspects réglementaires (conditions de travail) et en partie à des questions, à des manques de la part des acteurs de la conception, quant à la difficulté d’avoir des REX et des informations sur le travail réel des opérateurs.
53 Les indicateurs langagiers (cf. tableau 1) sont relevés de manière automatique par le logiciel, pour chacun des sujets, puis adjoints au tableau des univers. Ils participeront à l’analyse en tant que variables supplémentaires du fait que l’objectif est de caractériser la façon dont se positionnent les locuteurs par rapport aux univers évoqués. Il n’est donc pas souhaitable ici que ces indicateurs interfèrent avec les classifications sémantiques. Le statut de variable supplémentaire permet ainsi de donner un complément d’information quant à l’interprétation des univers principaux.
54 Le tableau de données obtenu à partir des fréquences d’occurrences est constitué de 13 lignes (les 13 locuteurs retenus) et de 22 colonnes (7 univers principaux, 3 univers secondaires et 12 indicateurs langagiers). À chaque individu-ligne, nous avons adjoint un repère qualitatif, appelé également facteur structurant (au sens de l’analyse des comparaisons ; cf. Rouanet & Lépine, 1977 ; Bernard, 1994, Le Roux & Rouanet, 1984 pour des exposés détaillés) pour indexer la fonction de chaque interviewé (ingénieur spécialiste, ingénieur généraliste ou projeteur), en vue de l’interprétation des discours des sujets.
55 Ce tableau constitué de 22 variables numériques a ensuite fait l’objet d’une Analyse en composantes principales standard[10] [10] Pour cette étude, le logiciel Addad (151, boulevard...
suite (pour un exposé détaillé, Rouanet & Le Roux, 1993 ; et pour des exemples d’applications, Wolff, 2003), dont l’exploration graphique postfactorielle a été effectuée à l’aide du logiciel EyeLid2 (Bernard, Rouanet, & Baldy, 1993).
56 Trois axes ont été retenus pour cette analyse (80 % de la variance prise en compte). Deux nuages ont ensuite été élaborés : le nuage des variables, puis celui des points moyens, constitué à partir du facteur Fonction du sujet au sein de l’entreprise (ingénieur spécialiste, ingénieur généraliste, ou projeteur).
57 Ci-après, figurent les variables représentées dans le plan géométrique défini par les axes factoriels 1 et 2 (voir fig. 1), ainsi que le tableau d’aide à l’interprétation des variables actives (tableau 2). Les variables supplémentaires étant interprétées uniquement en fonction de la valeur de leur cosinus carré (voir infra), il n’a pas été jugé utile de faire figurer ce surplus d’informations ici.
58 Pour l’interprétation des axes, nous avons retenu les variables dont la contribution relative à l’axe (colonne CTR) est supérieure ou égale à une contribution moyenne (ici, cette contribution moyenne est égale à .143 ; valeur obtenue en divisant 1 par le nombre de variables : 1/7, et est indiquée en gras dans le tableau 2). Par ailleurs, nous pouvons constater que toutes ces variables sont assez bien représentées par les trois axes (voir colonne QLT indiquant pour certaines variables une valeur pas très éloignée de 1 ; la variable sécurité-machines est la moins bien représentée par ces trois axes).
59 L’axe 1 (horizontal) oppose les évocations relatives aux normes de sécurité et à la sécurité du personnel (à gauche sur le graphique) à celles concernant la sécurité de la maintenance. Dans le premier cas, les discours témoignent d’une tendance à intégrer la sécurité par le biais principalement de l’aspect normatif en relation, d’une part, avec les normes et directives concernant la protection du personnel, et, d’autre part, avec les analyses de risques rendues obligatoires avec le décret de 2001, les expertises des organismes de contrôle, etc. Lorsque les locuteurs évoquent ces thèmes, ils utilisent plus volontiers des modalisations d’intensité, indicateurs langagiers montrant l’implication du sujet dans son discours (par exemple : « La sécurité du personnel est très liée aux normes dans notre métier »). Dans le deuxième cas, les discours ont tendance à évoquer l’intégration de la sécurité par le biais de la sécurité de la maintenance, liée à l’anticipation des opérations de réparation en liaison avec les accès des modalités de montage, de manutention, etc. Ce thème de la sécurité attenante à la maintenance est plutôt évoqué à l’aide de connecteurs d’opposition ou de modalisations de négation (par exemple : « Mais quand il y a maintenance ou intervention sur un certain type d’appareil, ils n’ont pas la capacité de réparer ») indiquant le désir du personnel de faire évoluer cet aspect, qui ne paraît pas être totalement résolu dans l’usine. Globalement, cet axe oppose deux formes d’intégration réglementaire de la sécurité, avec une tentative, dans le deuxième cas, d’une prise en compte de l’usage lors d’opérations de maintenance.
60 L’axe 2 (vertical) oppose les univers sémantiques Accident et Sécurité du personnel (en haut du graphique), à la Sécurité de l’environnement et aux évocations concernant le Retour d’expérience (en bas du graphique). La première tendance témoigne d’un souci de lier les accidents de personne, la sécurité du personnel avec les Équipements de protection individuels (EPI), la santé et l’intervention d’experts des CRAM[11] [11] Caisse régionale d’assurance maladie. ...
suite à des fins d’amélioration des conditions de travail des opérateurs des centres de traitement des ordures ménagères. Lorsque ces différents problèmes sont évoqués, ils sont accompagnés le plus souvent de verbes déclaratifs, d’adjectifs objectifs ou de connecteurs de cause (par exemple : « Il faut que les interférences sur le trajet piétons-cabines soient inexistantes, car il faut pouvoir éviter les accidents corporels »). Ces utilisations langagières témoignent d’une volonté de convaincre l’interlocuteur de l’importance de la prise en compte des problèmes liés à la sécurité du personnel. Pour la seconde tendance, on retrouve les discours dans lesquels la sécurité apparaît exclusivement liée au respect des normes environnementales et à l’évocation du retour d’expérience (REX) qui témoigne, plus que d’autre chose, d’un manque de REX concernant les situations d’exploitation. Dans ces énonciations, les locuteurs utilisent plus volontiers des verbes statifs, des modalisations d’affirmation et des adjectifs subjectifs pour faire valoir leur opinion (par exemple : « Ce qui est intéressant, c’est que, d’une certaine manière, le projet de traitement des fumées dépend aussi des projets généraux de sécurité de l’environnement »).
61 L’axe 3 (non représenté sur le graphique) est représentatif de l’opposition entre la sécurité des machines, la sécurité de la maintenance, l’évocation des opérateurs, de leurs conditions de travail, d’une part, et la sécurité des évacuations, d’autre part. Ainsi, d’un côté, les discours font apparaître la prise en compte de la sécurité dans la conception des machines et vis-à-vis de la maintenance des futurs locaux, principalement en relation avec les accès, le démontage des installations en sécurité. Ces thèmes sont certes liés à des aspects normatifs, mais spécifiquement vis-à-vis de la sécurité intrinsèque de la machine quant à la mise en place de barrières physiques et électriques de sécurité (carters, arrêts d’urgence, etc.). Quand les concepteurs énoncent ces différents thèmes, ils utilisent très souvent des verbes factifs, modalisations de manière, connecteurs de condition et de comparaison (exemple : « Dans ce cas de maintenance, je m’assure simplement que les machines ont un carter de protection, comme je le fais à chaque fois... »). Cela renvoie à la fois à la prise en compte de normes et d’actions de maintenance, en référence à des conditions précises et en vue de les comparer aussi à une situation déjà vécue.
62 De l’autre côté, sont évoqués les aspects sécuritaires principalement liés aux flux de circulation dans l’entreprise des véhicules et des piétons, et les différents moyens et possibilités d’évacuation en situation normale et en situation d’urgence. Cela est abordé sans s’appuyer sur des indicateurs spécifiques.
63 Le nuage des points moyens (fig. 2) sera interprété à l’aide des contributions relatives aux axes, et à l’aide du tableau des écarts réduits ci-après (tableau 3). Les contributions les plus élevées se trouvent sur les axes 1 et 2.
64 Sur l’axe 1, on constate une opposition entre les ingénieurs (à gauche sur le graphique) et les projeteurs (à droite sur le graphique). Alors que les ingénieurs ont tendance à évoquer les problèmes liés aux normes de sécurité, à la sécurité du personnel, les projeteurs ont tendance à évoquer l’intégration de la sécurité par le biais de la sécurité de la maintenance, c’est-à-dire de la maintenance des locaux et des équipements futurs. Ils prévoient des accès (ponts roulants, circuits, ouvertures), des circuits de maintenance qui ne se croisent pas avec la production pour éviter des accidents, le démontage de différents équipements, etc. Cette intégration de la sécurité lors d’opérations de maintenance n’émane pas uniquement de normes ou d’obligations, mais aussi de l’expérience propre à chaque individu et de leurs connaissances des installations.
65 Les ingénieurs spécialistes s’opposent, sur l’axe 2, aux ingénieurs généralistes et aux projeteurs, qui cette fois partagent un même point de vue concernant les accidents du travail.
66 Les ingénieurs généralistes et les projeteurs intègrent la sécurité de l’environnement dans leurs activités de conception et considèrent le retour d’expérience comme un outil important permettant d’enrichir leur expérience mais relativement absent pour le moment, en dehors d’initiatives personnelles et de retours informels. Les ingénieurs spécialistes semblent avoir une représentation plus réductrice et plus partielle de la sécurité et auraient ainsi des difficultés à identifier des problèmes de sécurité des personnels dans les sites d’exploitation. Les points de vue des spécialistes sont fondés pratiquement sur les références normatives qui les concernent directement dans leur activité de travail.
67 L’axe 3 (non représenté ici) oppose les projeteurs et les ingénieurs dans leur ensemble. Il apparaît que les projeteurs intègrent la sécurité principalement en relation avec l’évacuation et la circulation des lieux, alors que les ingénieurs intègrent la sécurité plutôt à travers les sécurités de la machine, la sécurité au niveau des opérations de maintenance et les conditions générales de travail (locaux, douches, etc.). En effet, de par leur métier, les projeteurs sont les premiers à imaginer le futur site, à « tracer » les installations, et les questions de flux de circulation se posent rapidement. Pour eux, c’est primordial d’éviter les croisements entre des piétons et des véhicules, de prévoir une évacuation rapide en cas de problème, etc.
68 L’approche présentée dans cet article permet d’explorer les points de vue en conception, et peut donner quelques précisions sur le statut de la notion de point de vue en psychologie ergonomique, en tant qu’objet d’étude.
69 L’analyse et la formalisation des points de vue en conception sont un outil intéressant à plusieurs niveaux. En premier lieu, ce pourrait être un outil d’aide aux activités réflexives dans les équipes de conception. La formalisation des points de vue permet, en second lieu, d’appréhender les convergences et les divergences entre les acteurs du processus de conception. Dans une direction prospective, cela permet d’organiser la complémentarité intra- et interéquipes en termes de gestion du projet. Cette analyse contribue donc à formaliser les retours d’expériences et à pointer les lacunes dans la démarche de conception. Ici, par exemple, l’ergonomie pourrait suggérer que les facteurs humains soient davantage pris en compte.
70 Dans une direction rétrospective, il s’agit de comprendre, d’expliquer les dynamiques de construction des projets (pourquoi et/ou comment l’équipe a privilégié une solution par rapport à une autre, à quel moment cela s’est-il produit et sur quels fondements ou arguments une solution plutôt qu’une autre a-t-elle été privilégiée ?). Cela peut être utile pour contribuer à extraire certains éléments des logiques de conception dans les projets, en complément d’autres approches.
71 Notre approche a permis, par ailleurs, de formaliser quelques spécificités implicites associées à la notion de point de vue, qui la font se distinguer de celle de représentation plus classiquement utilisée en ergonomie cognitive. D’une manière générale, les résultats font apparaître le rôle de chaque acteur dans la conception en relation avec la fonction occupée (ingénieur, projeteur). Si les points de vue de l’ensemble des acteurs sont construits sur des références normatives, on peut constater une opposition entre les projeteurs et les ingénieurs qui, eux-mêmes, se distinguent en deux groupes. Les projeteurs évoquent plutôt la sécurité de la maintenance (équipements et locaux) et des flux de circulation dans l’entreprise. Les ingénieurs, de manière générale, se réfèrent aux normes de sécurité et à la sécurité du personnel, mais les généralistes insistent plus sur la sécurité de l’environnement et manifestent une préoccupation pour la sécurité de l’utilisateur final, celui qui travaille avec les tapis de tri. Les spécialistes restent très proches des normes qui concernent leur activité immédiate (normes électricité, chaudière), dans lesquelles l’utilisateur final n’existe pratiquement pas.
72 Les résultats de notre étude sont cohérents avec l’usage de la notion de point qui renvoie à une hétérogénéité et à une multitude de facteurs, comme cela a été montré aussi par Reuzeau (2001). Ainsi, au sein même d’une même catégorie d’acteurs, comme celle d’ « ingénieurs », on a des points de vue qui peuvent être différents, s’il s’agit de spécialistes ou de généralistes.
73 L’analyse des points de vue à travers le discours des acteurs souligne aussi des lacunes dans les connaissances de la sécurité du personnel qui nécessiteraient d’être enrichies avec des connaissances liées au travail d’exploitation dans les usines de traitement d’ordures ménagères, ainsi qu’avec des retours d’expérience structurés concernant les accidents et incidents. Les différents concepteurs devraient dialoguer, négocier, afin de pouvoir prendre des décisions plus pertinentes en ce qui concerne la conception.
74 Ainsi, il s’agit d’inscrire cette notion de point de vue dans la perspective de Martin et al. (2001a et 2001b) qui mettent le focus sur le point de vue comme objet d’étude émergeant particulièrement dans les réunions multi-métiers, d’une part, et l’intérêt pour les modalités d’articulation entre ces différents points de vue (point de vue partagé / point de vue métier / point de vue intégré), d’autre part. Des études actuelles montrent toutefois la difficulté d’articulation de ces différents points de vue au cours des processus de conception (voir, par exemple : De la Garza & Stocker, 2003).
75 L’analyse et la prise en compte des points de vue constituent un enjeu majeur pour la réussite des projets en facilitant la construction d’une « représentation partagée » du problème et des ressources pour sa solution. Le « point de vue » correspond ainsi à l’émergence d’un objet d’étude à la jonction de l’individuel et du collectif, de l’individuel et du social.
76 Sur le plan des analyses « automatiques », comme pour les méthodes qualitatives en général, le chercheur est invité à la prudence quant aux conclusions hâtives qu’il pourrait formuler. Il doit, certes, posséder une grande connaissance du domaine qu’il analyse et, paradoxalement, ne pas se laisser trop entraîner par sa connaissance pour influencer les interprétations. C’est la raison pour laquelle nous préférons le terme « exploration » à celui d’ « analyse », et également pourquoi les conclusions doivent être souvent exprimées en termes de « tendance ».
77 Sur le plan méthodologique concernant la présente « exploration des points de vue », il nous semble qu’il faut au moins une des conditions suivantes pour parler de point de vue : la production individuelle n’est pas analysée de façon isolée, en dehors de l’effet du contexte d’énonciation et de ce que les autres participants expriment. Cela va de soi dans le cas de dialogues, voire de poly-logue. Cela est également vrai dans le cas d’entretiens individuels et de verbalisations a posteriori. Ainsi, le traitement des verbalisations d’un locuteur s’effectue relativement à l’ensemble des verbalisations du ou des groupes de concepteurs étudiés.
78 Le contenu « rationnel » des verbalisations n’est pas le seul élément qui compose le point de vue, mais la valeur pragmatique du discours doit être aussi intégrée dans l’analyse. En cela, on se distingue notamment des approches d’extraction d’expertise qui tendent à privilégier la seule analyse formelle des arguments et raisonnements contenus dans le discours.
79 L’approche que nous avons présentée n’est évidemment pas la seule possible pour étudier le point de vue à l’intérieur d’un groupe. Par exemple, la méthode COMET (Darses, Détienne, Falzon, & Visser, 2001) permet également d’étudier, selon un autre angle méthodologique, les points de vue émis par différents acteurs du processus. Le poids d’autres processus d’ordre psychosociologique pourrait également être étudié.
80 D’autres approches sont probablement à développer pour donner une visibilité aux points de vue qui s’expriment dans le cadre des collectifs de conception, d’une part pour outiller les équipes actuelles, d’autre part pour éventuellement faciliter et rendre plus efficaces la formation et l’expression des points de vue dans les communautés de conception.
81 Par ailleurs, l’analyse utilisée ici pourrait être appliquée de façon diachronique. L’étude de l’évolution des points de vue dans le temps est un axe pour la meilleure compréhension des représentations et de leur transformation prenant place dans le processus de conception. Cela pourrait se faire en appliquant la même méthode aux différentes traces écrites et documentations élaborées lors des projets, et/ou par entretiens menés au cours de la vie de ces projets. Tout en restant évidemment conscients que l’outil utilisé, quel qu’il soit, reste une aide au traitement des données qualitatives, et que l’interprétation revient toujours au chercheur qui doit s’assurer à ne pas laisser influencer ses conclusions par son expérience. Il est donc nécessaire d’effectuer ce type d’analyse de manière « collective », en étant attentifs aux différents « points de vue » émis et en juxtaposant les concordances et les divergences.
82 Sur le plan pratique, cette étude a permis de mieux cerner, d’une part, les connaissances et modalités d’intégration de la sécurité par différents acteurs de la conception, et, d’autre part, de mieux comprendre leurs manques pour une meilleure prise en compte du facteur humain. Aussi, dans une perspective de prévention réelle, il apparaît nécessaire d’articuler cette approche avec des analyses des situations d’exploitation et des analyses des accidents du travail caractéristiques du secteur industriel (Epifani & De la Garza, 2000). Pour finir, les résultats de cette étude sont bien des tendances, comme nous l’avons dit, qui nécessitent d’être explorées dans d’autres domaines et secteurs afin de pouvoir établir des généralisations quant à la conception et la prévention. D’ores et déjà, le même type d’étude dans le secteur de l’imprimerie confirme et complète les résultats obtenus ici (De la Garza, 2003 ; De la Garza & Fadier, 2004).
83 Manuscrit reçu : janvier 2004.
Accepté par J.-M. Hoc
après révision : juillet 2004.
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[ 1] Logiciel Tropes, version 6.0. Acetic, 14, rue du 4-Septembre, 75093 Paris Cedex 2. Site web : www.acetic.fr.
[ 2] Logiciel Alceste, version 4.7. Image, 12, rue Thiers, 31400 Toulouse. Site web : www.image.cict.fr.
[ 3] Logiciel Modalisa. Kynos, 3, rue des Montibœufs, 75020 Paris. Site web : www.modalisa.com.
[ 4] Logiciel Le Sphinx. Le Sphinx Développement, Parc Alta ïs, 74650 Chavanod. Site web : www.lesphinx-developpement.fr.
[ 5] Nous citerons l’énoncé classique : « L’oiseau chante » ; mis sous la forme prédicative, donnera : CHANTER (oiseau), où l’on dit de l’argument « oiseau » qu’il fait quelque chose : « Il chante. »
[ 6] Cette proposition correspond, pour les théoriciens en grammaire de récit, au thème.
[ 7] Logiciel Ethnos. Acetic, 14, rue du 4-Septembre, 75093 Paris Cedex 2. Site web : www.acetic.fr.
[ 8] Projet pluridisciplinaire mené par le « Groupe intégration de la prévention dès la conception » de l’Institut national de recherche et de sécurité (INRS), cofinancé par le CNRS dans son Programme systèmes de production (PROSPER) (Fadier, Neboit, & Ciccotelli, 2002).
[ 9] INRS (1996), Conception des lieux de travail. Obligations des maîtres d’ouvrage. Réglementation. Nancy, France : INRS Ed 773 ; INRS (1998). Conception des usines de traitement des ordures ménagères et déchets assimilés. Note technique de la CNAMTS adoptée le 6 novembre 1997 par le Comité technique national eau-gaz-électricité, Nancy, France : INRS Ed 822.
[ 10] Pour cette étude, le logiciel Addad (151, boulevard de l’Hôpital, 75013 Paris) a été utilisé, mais d’autres logiciels tels que, par exemple, SPSS, Statistica ou SPAd peuvent effectuer les mêmes analyses.
[ 11] Caisse régionale d’assurance maladie.
Cet article a pour objectif de présenter une approche permettant d’explorer différents “ points de vue ” en conception, à partir de l’utilisation conjointe de l’Analyse cognitivo-discursive (ACD) et de l’analyse géométrique des données, afin de contribuer à outiller la conception.
Une étude menée auprès de concepteurs ayant des fonctions différentes (ingénieurs, projeteurs) et travaillant dans le domaine de la sécurité a permis de formaliser quelques spécificités implicites associées à la notion de point de vue. Les résultats mettent également en évidence convergences et divergences de points de vue en relation avec la fonction occupée et ont permis de proposer quelques recommandations. La démarche d’analyse proposée est susceptible d’intéresser tout ergonome étudiant la conception ou tout autre domaine, puisque les méthodes présentées sont généralisables à toute recherche utilisant des entretiens.
EXPLORATORY VIEWPOINTS ANALYSIS : ITS CONTRIBUTION TO THE PROVISION OF TOOLS TO SUPPORT THE DESIGN PROCESS
The aim of this paper is to present an approach to the exploration of different viewpoints in the design process. These viewpoints are studied through cognitive-discursive analysis and geometric-data analysis, and should provide information for the development of design tools. A study was undertaken with operators and those working in various functions in the safety field (e. g. designers, engineers). From this study, some implicit specificities from the viewpoint concept were formalized. The viewpoint concept can be associated with that of operative representation, classically used in cognitive ergonomics. The results show the role of each design actor in relation to his/her function. They are thus consistent with the use of the viewpoint concept, as presented in the majority of recently published research, which involves heterogeneity and a multitude of factors. These viewpoints would be enriched with work knowledge, such as experience feedback concerning accidents and incidents. Exploring the various viewpoints in design may provide a means to enabling the various actors to become conscious, and share their respective approaches and contributions in design.
The details of analysis are presented, together with the theoretical bases which justify it. It is likely to interest any ergonomist studying design or any other field, since the methods presented can be generalized to include any research using verbalization, subject to the precautions presented.
Marion Wolff et al. « Analyse exploratoire de “ points de vue �? : une contribution pour outiller les processus de conception », Le travail humain 3/2005 (Vol. 68), p. 253-286.
URL : www.cairn.info/revue-le-travail-humain-2005-3-page-253.htm.
DOI : 10.3917/th.683.0253.